Bonjour à toutes et à tous et bienvenue
dans notre nouvel épisode de « Conversation avec la nature ».
Je suis vraiment très contente de vous retrouver.
Alors pour un petit rappel, si vous avez écouté les épisodes précédents,
on a parlé protection, animation territoriale, partenariat.
Et donc aujourd'hui on va aller plus sur le terrain et on va parler de la gestion.
Et pour parler de la gestion, on accueille Sylvain.
- Salut Sylvain ! - Salut !
Alors merci de nous rejoindre.
Donc Sylvain, tu es garde-animateur au Conservatoire.
Ça veut dire que tu as deux parties.
En fait tu as la partie gestion mais tu as la partie animation.
On ne va pas aborder cette partie-là aujourd'hui parce que ça fera l'objet
d'un prochain épisode.
Mais aujourd'hui j'aimerais qu'on parle de ton travail de gestion.
Est-ce que tu peux nous dire un petit peu déjà depuis combien de temps
tu es au Conservatoire et quel est en gros ta mission ?
Et bien ça va faire quatorze ans que je suis au Conservatoire
au sein de l'antenne de Mainvilliers, donc l'antenne Eurélienne.
Donc sur le volet gestion,
mes missions sont de mettre en œuvre les opérations techniques de gestion
au regard des enjeux qui ont été diagnostiqués
au plan de gestion, et aussi rédiger les différents cahiers des charges,
que ce soit pour les appels d'offres, le suivi des travaux également
et parfois de la mise en œuvre d'opérations en régie.
Alors, on va développer tout ça parce qu'il
y a des mots qu'on ne comprend pas forcément.
Alors, Sylvain, quand on parle de gestion, on parle de quoi exactement
et en quoi c'est important ?
Alors la gestion, c'est important parce que d'une part, c'est fait
au regard du diagnostic écologique qui a été fait dans le plan de gestion.
Donc, au regard de ce diagnostic, il y a différents habitats naturels
ou espèces qui ont été identifiés, souvent patrimoniales ou protégés,
où il est le plus souvent nécessaire d'intervenir en faisant
différentes opérations pour maintenir ou augmenter
les effectifs de ces espèces-là.
Et quelles sont les différentes méthodes de gestion qui peuvent exister
ou que tu mets en œuvre aujourd'hui ?
Alors elles sont multiples.
D'une part, elles peuvent être mécaniques, donc ça peut être
des travaux de bûcheronnage, des travaux de débroussaillage,
ça peut être avec des partenariats avec des éleveurs.
Donc typiquement du pâturage, qu'il soit équin, ovin ou
même parfois avec des vaches.
On peut
aussi faire de la gestion d’étangs, création de mares...
Enfin voilà,
il y a tout un panel d'outils et d'opérations
qui peuvent être mis en œuvre sur les sites naturels.
Et est-ce que tu as un exemple très concret de projet récemment,
qui a eu lieu, de projets de restauration, d'entretien ?
Alors, très récemment, je vais parler pour le département d’Eure-et-Loir,
parce que c'est là où je mets en œuvre mes opérations.
Par exemple, y a pas longtemps, sur le site naturel de Donnemain-Saint-Mamès,
les Marais, c'est en bordure de la Conie,
où il y a une petite exsurgence de la nappe de Beauce.
Donc c'est-à-dire de l'eau qui ressort du sol et qui va rejoindre la rivière.
À cet endroit-là, on avait préconisé de faire un étrépage mécanique,
donc c'est-à-dire qu'on va venir creuser et créer un trou en pente douce
qui va être favorable à différents cortèges de plantes aquatiques
qui vont s'implanter au regard du degré d'humidité.
Et l'année suivant cette opération-là, par exemple,
on a une petite plante aquatique qui s’est développée.
C'est de la Characée. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que
les mares à Characées sont un habitats d'intérêt communautaire donc
protégé au niveau européen.
Donc on a le cas
typiquement, on a augmenté le nombre d'espèces
sur le site et en plus des espèces patrimoniales
via une opération de gestion.
Donc c'est hyper technique et du coup tu vois l'évolution du milieu
suite à ces travaux en fait.
Voilà.
Donc en fait, l'opérationnel est vraiment cadré
lors de la phase d'élaboration du plan de gestion,
si toutefois on voit que le milieu évolue, le climat évoluant aussi,
ces opérations peuvent être réadaptées au regard
des résultats qui peuvent être concluants ou non concluants.
Donc tout ça c'est suivi effectivement
très régulièrement en binôme avec le chargé d'étude scientifique.
Si vous vous rappelez, on en a un petit peu parlé dans l'épisode
sur la connaissance, Serge nous a expliqué que effectivement,
les plans de gestion pouvaient un petit peu évoluer
en fonction des évolutions forcément climatiques.
Et du coup, comment on va déterminer
la méthode d'entretien la plus adaptée au milieu ?
Est-ce qu'on va prendre une méthode manuelle ou une méthode plutôt mécanique ?
Comment on choisit ?
Alors cette détermination, elle est multifactorielle.
D'une part, il va y avoir le contexte local.
Typiquement, quand on est sur un milieu dit ouvert, donc c'est-à-dire qu'on
va maintenir des prairies ou des pelouses, on va avant tout favoriser le pâturage.
Donc pour ça, il faut avant tout avoir un contact
d'un éleveur qui va être à proximité, qui va bien vouloir pâturer.
Donc ça, c'est ce qu'on va favoriser,
si toutefois il n'y a pas de partenariat possible, ou qu’il n'y
a pas d'éleveur à proximité d'un site, et bien on va passer sur du mécanique.
Par exemple, sur un site humide, on ne va pas utiliser
des grosses pelleteuses qui sont très lourdes,
des pelleteuses que par contre on va pouvoir utiliser sur des milieux
secs, ça va être moins impactant.
Il y a aussi l'accessibilité du site, il y a des sites qui vont être isolés
et qui ne sont pas accessibles par des moyens mécaniques lourds.
Donc là par contre, on va favoriser plutôt du travail manuel, c'est-à-dire du
débroussaillage à la main,
et ça dépend également des surfaces à entretenir
ou à restaurer.
Et donc oui, tu le disais, l'entretien mécanique,
c'est des méthodes qui sont très lourdes
et qui peuvent potentiellement avoir un impact négatif sur le milieu.
Donc comment on s'assure qu'on utilise les bons engins,
qu'on n'est pas trop dans la destruction du milieu finalement ?
Alors pour ça, il y a différentes choses qui s'offrent à nous.
D'une part, effectivement, utiliser un matériel adapté
et l'utiliser correctement. Donc sur des engins lourds, par exemple,
lorsqu'on va faire un entretien par broyage,
déjà, on va le faire à la bonne période, donc celle qui va être la moins impactante
pour le milieu naturel, on va être plutôt sur des travaux autonomaux ou hivernaux.
C'est la période de repos, que ce soit pour la faune et pour la flore,
et bien toutes les espèces sont montées en graine.
Donc l'impact sera limité.
On ne va pas intervenir forcément sur toute la zone non plus,
de telle sorte à laisser des zones refuges qui ne vont pas être restaurées
ou entretenues
la première année et enfin au niveau de la vitesse de progression des engins,
c'est pareil, ça va être une vitesse lente pour permettre notamment
à microfaune de s'échapper vers ces zones refuges.
Sylvain, tu as parlé de pâturage tout à l'heure.
Comment on met en place cette méthode-là ?
Est-ce qu'on fait appel à des éleveurs qui sont locaux ?
Quels types d'espèces on va privilégier sur les sites ?
Alors, on va effectivement favoriser des éleveurs
qui sont présents à proximité des sites puisqu'ils vont
avoir la charge de surveillance de leurs troupeaux.
Et donc c'est
souvent le Conservatoire qui va aller voir ces personnes-là
qui sont plus souvent dans un schéma
d'élevage traditionnel.
Donc on fait en sorte de ne pas être trop contraignant en termes de cahier
des charges. C'est du donnant-donnant.
On met à disposition nos parcelles pour qu'elles soient entretenues
et en contrepartie, l'éleveur met en place ses animaux.
Donc pour ça,
on va déjà voir en fonction du site.
Par exemple si c'est une zone humide, on ne va pas utiliser les mêmes animaux.
Donc on va par exemple proscrire des animaux
qui vont être lourds, de type bovidés, sur des zones humides, même s'il
y a des espèces qui sont quand même adaptées à ces espaces-là, on va dire
les milieux les moins exigeants en termes d'animaux,
ça va être les zones sèches où là on peut utiliser tous les animaux.
Alors, c'est vrai qu'il y a la rusticité qui va jouer notamment
sur les résultats de pâturage, mais après c'est plutôt le chargement instantané,
c'est-à-dire le nombre d'animaux qu'on va mettre à un instant T sur la parcelle.
Donc qui vont accentuer plus ou moins
les préférences alimentaires de base que peuvent avoir une race.
Mais plus on met d'animaux, plus il va y avoir de concurrence entre eux.
Elles vont se dire « Ouh là, on est beaucoup, il n’y a pas beaucoup à manger.
Donc moi ce que je ne vais pas manger, c'est l'autre qui va le manger. »
Donc c'est comme ça qu'on arrive à limiter justement ces préférences alimentaires.
Mais que ce soit des chevaux, des vaches, des moutons,
en fait, on arrive quasiment
à faire ce qu’on souhaite, peu importe le type d’animaux.
Et toi, tu as une préférence pour les animaux ?
Alors je n’ai pas encore eu la chance
de faire avec des bovins,
mais j'apprécie beaucoup les chèvres
alors notamment des chèvres qu'il peut y avoir en Eure-et-Loir.
C'est des petites chèvres angora
qui sont toutes petites, toute en moumoute.
C'est les vraies pelotes de laine et elles sont très affectives.
Donc ouais, c'est sympa.
Je voulais que tu la cales celle-là, j'aimerais bien
mettre une photo de ces chèvres, elles sont tellement belles !
Finalement, la gestion c'est un travail un peu constant
puisque le milieu c'est vivant par définition, donc ça évolue.
Donc j'imagine qu'il faut souvent refaire ce qu'on a déjà fait
ou adapter en fonction de l'évolution des milieux.
Effectivement.
Tout à l'heure, on parlait du pâturage.
Là c'est le cas typique où il n'y a pas un site naturel qui se ressemble.
On travaille avec du vivant, avec la météo aussi.
Donc d'une année à l'autre, on ne va pas avoir les mêmes résultats
en fonction des animaux ou la conduite de son troupeau,
c'est pareil.
Il ne va pas y avoir non plus les mêmes impacts sur un site.
Donc c'est une perpétuelle adaptation.
Après effectivement, au regard du changement climatique
et la pluviométrie d'une année à l'autre, par exemple, lorsqu'on fait un entretien,
et bien c'est pareil, il ne va pas avoir autant de rejets de buissons
ou d'arbustes.
Donc effectivement, c'est toujours s'adapter
avec du vivant.
Et donc ces travaux, tu ne les gères pas seul j'imagine ?
Parce que mettre sur un site ça peut être prenant quand même comme travail.
Et donc tu fais appel aussi à j'imagine des partenaires.
Quels sont les acteurs qui peuvent travailler sur ces sites-là ?
Alors effectivement, il y a un travail multipartenarial
pour la mise en œuvre de la gestion au niveau du Conservatoire,
la plupart des opérations sont externalisées, donc c'est-à-dire
qu'on va passer des appels d'offres et on va retenir des prestataires.
Donc, que ce soit des entreprises ou des associations d'insertion.
Ensuite, on l'a évoqué aussi,
donc, il y a tout ce qui est partenariat avec des éleveurs ou agriculteurs locaux,
parce qu'on a parlé des éleveurs, mais il y a aussi des agriculteurs,
on a certains sites où on va faire de la fauche, par exemple.
Donc, il y a un lien très étroit entre le Conservatoire
et le monde agricole.
Il y a aussi l'organisation de chantiers bénévoles dans le cadre de
« Chantiers d'automne » où là, c'est avec la population locale
qu'on va faire des chantiers.
La plupart de nos sites sont également inscrits en périmètre Natura 2000,
donc on va déposer des contrats qui vont nous permettre
d'obtenir des financements pour mettre en œuvre des travaux.
Donc là, ça va être l'animateur du document d'objectifs avec qui on va
se mettre en relation pour justement constituer ce dossier.
Et en dernier recours,
donc, nous les gardes-animateurs et chargés de gestion écologiques,
on est amenés également à faire des travaux en régie de manière ponctuelle.
Donc que ce soit l'entretien des sentiers,
du débroussaillage ou du bûcheronnage, quand il y a des épisodes de tempêtes.
Et tout ça en lien aussi avec les conservateurs bénévoles de sites.
Parce que tu l'as bien évoqué,
on n’est pas sur les sites tous les jours donc les conservateurs sont
un véritable atout : nos yeux
et nos oreilles directement sur place, qui peuvent
nous faire remonter des anomalies et intervenir de manière
assez réactive au regard des incidents qu'il peut y avoir.
Alors justement, les conservateurs bénévoles,
on en parlera dans un prochain épisode qui traitera de la vie associative.
Mais tu as mentionné « Chantier d'automne »
pour faire la petite pub « Chantier d'automne ».
C'est une opération de la Fédération des Conservatoires d'espaces naturels
qui vise à mettre en place et à organiser des chantiers
sur les périodes les plus propices pour la biodiversité.
Voilà, on vous encourage à aller regarder et à venir nous aider sur les sites.
Oui, c'est des chantiers très conviviaux où
non seulement on travaille, mais en plus, après l'effort, le réconfort.
Donc apéritif, pique-nique, café, tout ce qu'il faut.
On imagine parfois que la nature s’auto-gère,
mais en fait c'est vrai, mais pas tout le temps, finalement.
Parfois il faut
que l'humain donne un petit coup de pouce.
Mais j'imagine qu'il y a quand même des milieux qu'on laisse tranquille
sur lesquels on n’intervient pas du tout ?
Oui, tu as raison, on peut parfois reprocher
au Conservatoire d'espaces naturels d'être très interventionniste,
donc si on fait un petit retour en arrière,
les humains sont là depuis 7 millions d'années.
On imagine bien que la nature a évolué avec nous, avec certaines espèces
qui ont été favorisées sur la gestion qu'on a pu faire de notre environnement.
Typiquement les milieux ouverts où on va retrouver
souvent les orchidées qui vont être en plein soleil,
elles sont complètement liées au pâturage, notamment.
Donc si on ne fait rien, le milieu, il va se boiser
et tout le cortège de plantes et d'animaux ne seront plus ceux des pelouses sèches.
On va se retrouver sur un boisement et les espèces qu'il va y avoir
dans un boisement ne sont pas du tout celles au niveau des pelouses sèches.
Donc effectivement, la gestion va permettre
soit de restaurer un habitat naturel au regard des espèces
qu'on a identifiées dans le plan de gestion donc qui sont ciblées.
Soit on va figer l'évolution naturelle du milieu
à un stade précis, là où il va y avoir le plus d'enjeux
en termes de biodiversité ou soit même recréer des habitats.
Donc, par exemple, créer une mare, on va recréer complètement un habitat
à part entière, on va avoir tout
plein de plantes et d'animaux qui vont venir s'y réfugier.
Donc c'est presque artificiel en fait.
Alors
c'est là où il y a la limite entre artificiel et naturel.
Et à se dire est ce que l'homme a toujours géré
la nature ou est ce que la nature a évolué avec l’homme ?
Moi je suis plutôt sur cette deuxième partie où l'homme
fait partie de la nature et la nature, on est là pour l'accompagner.
La gestion, je pense plutôt que c'est un accompagnement de la nature.
Oui, effectivement, recréer des milieux qui étaient déjà là où on essaie
de réintroduire des espèces qui étaient un petit peu dans le mal.
Voilà.
Alors Sylvain, est-ce que dans ta carrière de garde-animateur,
tu as un souvenir d'un chantier en particulier qui t'a marqué ?
Alors c'est difficile de mettre en exergue
un chantier parmi quatorze ans de carrière.
Donc tout bien réfléchi, je pense qu'il y en a
un quand même qui m'a marqué, ça va être toujours à Donnemain-Saint-Mamès.
Un chantier bénévole
où l’opération consistait à remettre en lumière l’observatoire.
Donc il fallait débroussailler pas mal de ronces et faire pas mal d'élagage.
En plus, on avait une grosse
participation, de mémoire, on était entre quinze et vingt personnes
et donc déjà ça m'a marqué parce que c'est là où on voit
la force du collectif, parce que c'était un chantier qui était très ambitieux,
où au début les participants se disaient « Ouh là, il y a beaucoup à faire. »
Et à la fin, on a réussi à tout faire.
Donc c'était très satisfaisant et ça m'a également marqué
puisque le lendemain, c'était le début du confinement.
Donc voilà.
On en plaisantait,
ce jour-là en se disant : « Bon, si ça se trouve demain... »
Et donc effectivement, le lendemain, annonce présidentielle,
début du confinement.
Donc on avait bien fait de se retrouver et de partager ce bon moment
convivial avant ce petit passage un peu sombre de la crise du Covid.
Merci beaucoup Sylvain d'être venu nous parler de ton travail de gestion
et donc forcément les sites quand ils sont gérés, on a envie d'accueillir
du public dessus, de faire venir du monde.
Et donc dans les prochains épisodes, on parlera de
justement la sensibilisation, l'accueil du public, la valorisation
et l'éducation et donc le lien à la nature.
Merci à tous de nous avoir
suivi et je vous dis à très vite pour le prochain épisode